Utilité et apprentissage de la lecture labiale [retour d'expérience]

8 questions à Anne, consultante AMOA domaine bancaire chez Modis France en région parisienne

Anne souffre depuis quelques années d’une perte progressive de son acuité auditive.

Afin d’anticiper l’évolution de son handicap, elle a fait appel à la Mission Handicap de Modis afin de financer des formations à la lecture labiale. Celles-ci lui permettent de préserver sa capacité à communiquer à la fois dans la vie de tous les jours et dans le cadre de son activité professionnelle.

La lecture labio-faciale, dite « labiale », est une technique qui consiste à comprendre ce que dit une personne en lisant sur ses lèvres afin de compenser la perte d’audition. Les personnes devenues malentendantes le font de manière plus ou moins… naturelle.

L’étudier avec l’aide d’une méthode permet de faciliter cet apprentissage assez difficile ; cela nécessite concentration et persévérance.

Je ne me suis pas tournée tout de suite vers cette solution de compensation car j’ai pu résoudre certains problèmes autrement. Par exemple, j’ai résolu la problématique des appels téléphoniques grâce à un relais Bluetooth connectant mon smartphone à mes prothèses auditives.

Cependant, la problématique des réunions avec présence physique perdurait car il était difficile pour moi de suivre la conversation.

Après réflexion, c’est la solution de la lecture labiale qui m’est venue à l’esprit comme étant la plus adaptée à mon besoin.

J’ignorais totalement si cette formation existait en dehors des séances d’orthophonie prescrites à des personnes victimes d’accidents ou de maladies entrainant une perte d’audition sévère. Ce sont les personnes de l’équipe formation de Modis qui m’ont orientée vers ces cours.

Ce sont des cours organisés par l’ARDDS, l’Association de Réadaptation et de Défense des Devenus-Sourds (ou malentendants), qui ont lieu sur deux sites au choix : à Paris le jeudi après-midi, et à La Défense le mardi soir. Ils se déroulent d’octobre à juin, hors vacances scolaires. Il existe plusieurs niveaux : un pour les débutants et un autre consacré au perfectionnement de cette technique.

Enfin, au niveau national, deux sessions d’une semaine, à raison de 7 matinées de cours, sont proposées généralement les deux dernières semaines d’août, dans une ville différente chaque année.

Renseignements sur le site : http://www.ardds.org  Rubrique « les sections » voir IdF Île de France

Ces cours, en groupe de 10 à 12 personnes de tout âge et de tout niveau de perte d’audition, sont donnés par des orthophonistes diplômés spécialisés en lecture labiale et ce, de manière quasi bénévole. La méthode utilisée pendant les cours d’une heure, durant lesquels nous apprenons les différents phonèmes de la langue française (voyelles et consonnes qui diffèrent sensiblement de la langue écrite) et les formes de bouche qui leur sont associées, est celle de  Jeanne Garric.

Ces cours sont intéressants car ils se divisent en deux parties : théorie et pratique. Nous devons d’abord reconnaître ce que dit l’orthophoniste, qui forme les sons, les mots, puis les phrases sans émettre de bruit, uniquement par le souffle. Ensuite, nous répondons de manière silencieuse, pour permettre à tous de progresser : soit l’orthophoniste lit sur nos lèvres, soit nous écrivons sur une ardoise blanche.

J’essaie de l’utiliser lorsque la distance (une table de réunion par exemple) ou le bruit environnant (brouhaha des conversations) ne me permet plus de comprendre correctement ce que dit mon interlocuteur. Il faut cependant garder en tête que la lecture labiale nécessite d’être face à son interlocuteur (ou de trois quart face).

Après un an et demi de cours hebdomadaires et deux stages, je suis encore en apprentissage car c’est un travail de longue haleine. Mais cela me permet d’être déjà moins « frustrée » lorsque je n’ai pas compris un interlocuteur !

La surdité est un handicap invisible. Ainsi, l’entourage familial, professionnel et la société en général ont beaucoup de mal à prendre conscience de l’exclusion sociale provoquée par la surdité…

Grâce à ces cours au sein de l’association ARDDS, j’ai pu rencontrer des gens de tous horizons qui rencontrent les mêmes problèmes que moi (voir bien pire).  Grâce à la mise en commun de nos expériences et de notre vécu, nous arrivons à relativiser et/ou à proposer et trouver des solutions pour faire face à nos problèmes.

De plus, l’association adhère à d’autres organismes et les adhérents reçoivent une revue trimestrielle « Six millions de malentendants », pleine d’informations de tous types relatifs à notre handicap.

Enfin, diverses activités sont proposées par l’association :

• Réunion d’information ou groupes de parole
• Sorties sportives de marche
• Sorties culturelles adaptées (théâtres, concerts, visites guidées d’expositions), ce qui nous permet de continuer à profiter d’activités culturelles malgré le handicap.

Il est facile d’oublier qu’une personne est malentendante car cela ne se voit pas, et il peut être pénible de devoir se répéter plusieurs fois. Cependant, il faut garder en tête que ce n’est pas facile pour la personne malentendante non plus !

Mes trois conseils : ralentissez votre débit, essayez d’articuler correctement (sans en faire trop), et surtout attendez d’être face à elle ou proche d’elle et d’avoir attiré son attention pour lui parler.

La vie sera alors plus facile pour tout le monde !